Rodolphe Dubos, indépendantOuvrir à chacun les conditions générales de son épanouissement particulier.
Les enjeux ne sont pas seulement le rang de la France et la performance économique. Ils sont notre qualité de vie, notre bien-être, et l’estime de nous-mêmes.
Pourquoi de Gaulle a-t-il écrit ses Mémoires ? Il a transmis ces paroles fortes et inspirantes parce qu’il avait conscience de n’avoir pas réussi à tirer les Français vers le haut. Malgré sa hauteur de vue, il n’avait pas obtenu que les Français abandonnent leurs comportements puérils pour se muer en adultes, vraiment citoyens et responsables.
Le livre des entretiens de l’amiral de Gaulle a été et reste encore un énorme succès éditorial. Les Français sont chagrins. Ils ont conscience de leur abaissement, ils cherchent des points d’appui, ils ont soif d’inspiration. Cet abaissement, c’est le Mal français que décortiquait Alain Peyrefitte en 1976 dans son livre fameux et inégalé.
Or, depuis trente ans, la situation a empiré.
Une évidence brutale : la pauvreté
La République mendiante
La paupérisation de notre société se mesure d’abord dans les moyens de l’Etat. Combien l’Etat a-t-il connu de budgets excédentaires depuis que je suis né ? On a toujours préféré le lâche soulagement immédiat à l’effort qui produit ses jouissances à long terme. Les responsables cachent leur nudité derrière le paravent des 3% maximum de déficit décidé à Maastricht. Il s’agit de 3% du PIB. Mais rapporté au budget de l’Etat, c’est 18% de déficit. Derrière ce chiffre bénin de 3% se dissimule une situation grave.
Aujourd’hui, la taille colossale de la dette nous met à la merci d’un relèvement des taux d’intérêt. Nous abusons honteusement de nos partenaires de le zone euro, et nous leur nuisons. Cette situation est indigne de nous.
Je devrais m’exprimer avec plus de véhémence, ce tableau me cause une irritation certaine.
Des ménages étriqués
La pauvreté se retrouve dans le quotidien des ménages. Le nombre de dossiers en Banque de France pour surendettement a explosé. Les banques françaises sont les plus tatillonnes du monde pour vous accorder un crédit. Mais elles ne vous accordent pas à petit prix le découvert de fin de mois auquel vous êtes conraint. Mieux encore : lorsqu’un ménage paye les belles facilités de crédit qu’une filiale discrète d’un des groupes bancaires oligopolistiques lui a accordé au prix généreux de 19%, il se fait diablement laminer.
Notre intérêt à tous est concerné. On vous parle de la pollution de l’atmosphère, notamment à cause des voitures dans les villes. Or l’âge moyen des véhicules en circulation est élevé. On ne remplace pas les vieilles voitures qui consomment plus. On n’a pas les moyens de se payer des voitures neuves plus sobres, plus sûres, mieux conçues.
Les inégalités: pauvreté de l'information
Mon métier de conseiller en gestion de patrimoine m’amène à plonger dans les budgets de ménages. L'Etat a beau apposer sa griffe partout, de l'impôt aux prestations sociales en passant par l'épargne, je constate les inégalités au sein de la société française.
Les 1% de ménages les plus riches ne payent pas l’impôt sur le revenu. Ils ont des conseillers et des experts à disposition qui savent protéger leur patrimoine et apporter des rentabilités élevées. En soi, c’est normal.
Les ménages dont le revenu annuel est inférieur à 30 000€ ne contribuent guère à l’impôt sur le revenu, et surtout ils ont accès aux aides sociales. Ils ne peuvent guère mettre d’argent de coté et, quand ils le font, ils s’adressent à leur guichet de banque qui leur offre des résultats médiocres. En soi, c’est normal.
Les autres assurent l’essentiel de la collecte fiscale sur les revenus des ménages. Ils supportent en outre 80% des prélèvements sociaux. Ils n’ont pas accès à la qualité de service comme les plus riches, tandis que la banque de guichet ne peut guère les contenter. Alors celle-ci leur vend sur la foi d’un avantage fiscal des assurances-vie moyennement rentables qui en revanche leur font assurer le vrai risque de la dette d’Etat. En effet, par l’assurance-vie, c’est à l’Etat que l’on prête.
Franchement, vous prêteriez, vous, à quelqu’un qui dépense 18% de plus qu’il ne gagne depuis tant et tant d’années ? Cela n’est pas acceptable. Ce qui ne va pas, c’est l’accès inégal à l’information. L'information est masquée de manière à ce que les personnes les plus susceptibles de souffrir de la situation ne réagissent pas. Les crises futures pèseront peu sur les plus aisés qui savent comment se protéger, tandis que les couches intermédiaires seront épuisées, et les pauvres écrasés.
Voilà la belle perspective que vous offre la société française aujourd’hui.
Mais d’où cette pauvreté vient-elle donc ? Sous le visage du pouvoir d’achat, la pauvreté passe pour un problème purement économique simple à régler par des mesures gouvernementales. Or il s’agit d’un problème social appelant des solutions de grande ampleur. Les Français ont certes une habitude ancienne de cracher sur le gouvernement. Maintenant, ils ont aussi découvert la solitude et le repli sur soi.
La pauvreté plonge sa plus ferme racine dans le cour des hommes.
La défiance bloque tout
Le vrai péril de la démocratie
Pour ma génération, née sous Mitterrand, grandie sous Chirac, le mot affaires ne signifie plus participer aux affaires en tant qu’élu ou ministre. Il signifie affaire politico-financière : magouille.
Depuis, on a encore progressé : il s’agit d’affaires de cour.
Les Français perdent toute confiance dans la sphère politique alors que leur système, leur tradition et leur mentalité les conduit à tout attendre des chefs politiques. Et les chefs politiques, si intelligents puissent-ils parfois être, sont réduits à l’impuissance par l’inconsistance de la demande sociale.
Le degré de désespoir est tel qu’un seul glapissement reste audible : « Des sous ! »
La cité de la peur
La génération des idées de mai 68 a découvert des libertés de mours dans une ambiance de prospérité laissant augurer un avenir toujours meilleur. On a confondu liberté et licence. Cette génération transmet à la suivante : des maladies, de la dette, du chômage, de la violence. Et pire que tout cela : la peur de la maladie, la peur de la faillite, du chômage, de la violence.
Autrefois, un salarié pouvait démissionner en confiance s’il était mécontent, il trouvait rapidement une nouvelle place. Maintenant, ah ! non, je veux me faire licencier, j’aurai droit aux Assédic.Comment peut-on être heureux en pensant ainsi ? C’est la voie exprès de l’inefficacité et du coulage. Et comment un patron peut-il pas se sentir démuni face à ces comportements ?
Notre société qui se prétend forte de son opulence est surtout riche en moyens de fuir la réalité. Drogues licites ou illicites, alcools, excès alimentaires, inepties télévisuelles : nous faisons de durs efforts pour nous abrutir. Or la France est parmi les pays où le nombre des suicides est le plus élevé en Europe. De plus, et c’est un phénomène mondial, on n’a encore jamais constaté autant de maladies mentales et de comportements violents. Il y a un gros problème.
Comment en outre pourrait-on communiquer dans une société où le nombre de jeunes gens souffrant de troubles graves de l’audition va croissant ? A ce propos, voici le cas de Tomatis.
Les innovateurs sont châtiés
Dans une entretien de 1981, il y a plus de 25 ans, Alfred Tomatis mettait en garde contre les méfaits du volume sonore et des baladeurs. Cet extraordinaire professeur, homme de science et d’expérience, a mis en évidence que la capacité d’écoute (ou le refus d’écouter) détermine le comportement et le bien-être de l’être humain. En outre, il a prouvé que la qualité vocale des paroles que nous prononçons est auto contrôlée par notre propre oreille, notre premier auditeur.
Si plus personne ne peut écouter pour auto-contrôler ce qu’il dit, comment s’exprimer intelligiblement ? Et comment recevoir les paroles des autres ? On conçoit que dans de telles conditions la communication dans la société puisse être compromise.
Quant-à la récompense accordée aux efforts de recherche et au mérite de Tomatis : l’opprobre. Il a été banni par ses pairs du milieu médical. Nonobstant, vous vous instruirez beaucoup en lisant les livres qu’ils nous a destinés.
Alfred Tomatis est un cas remarquable par l’étendue de sa science et de sa sagesse, et je témoigne à son égard d’une reconnaissance spéciale. Son cas n’est pas isolé parmi les médecins de France, auxquels on reproche d’avoir mis le service de leur client au premier rang de leurs obligations.
Les meilleurs s'en vont
Plus généralement, il n’y a pas de place pour les découvreurs, les innovateurs, les entrepreneurs. Les savants français ne jouissent d’aucune reconnaissance, ils vont à l’étranger. Ils ont le droit de réussir, de créer des bienfaits pour tous et d’être récompensés pour cela.
D’autres vont à Londres, Bruxelles ou en Suisse pour mener leur entreprise. Ce n’est pas la charge de la fiscalité qui les dégoûte. C’est surtout la masse de papiers, la complexité et le délai des procédures, c’est le pouvoir d’usure de la bureaucratie qui fait du moindre progrès un exploit.
Quand la plus active partie d’un peuple se débine à la façon d’une hémorragie, ce signe de malaise doit nous alerter gravement.
Que faire ?
Où en sommes-nous ?
Des auteurs très intelligents ont écrit de très bons livres qui décrivent très bien la gravité de la situation. L’esquisse rapide suffit à comprendre la complexité de la situation. Les problèmes sont imbriqués les uns avec les autres, et notre négligence nous conduit vers de grandes douleurs.
Mais ce qui nous intéresse le plus n’est pas le rôle ingrat de Cassandre, c’est de trouver des solutions. Nous avons le droit de vivre heureux pendant que nous sommes en vie.
Beaucoup de gens se sentent impuissants devant les problèmes sociaux et la politique mondiale. Ils ont le sentiment que, même s’ils mènent une vie exemplaire, leur bien-être est à la merci des actes ou des aberrations de personnes qu’ils ne connaissent même pas. Alors ils baissent les bras et adoptent des croyances paralysantes qui renforcent le problème.
C’est en premier lieu dans ces croyances et dans la foi de chacun que résident les solutions.
La société de confiance
Un navire qui ne sait vers quel port il navigue ne rencontre jamais de vent favorable. Un but simple et clair seul distingue l’action de l’agitation. Le but : une société de confiance.
C’est le titre d’une autre livre moins connu du même Peyrefitte. La confiance est l’idée maîtresse de son ouvre d’anthropologue. Le sentiment de confiance fait qu’une société débat, réfléchit et cherche, elle s’ouvre à la nouveauté, tente des expériences, protège l’enrichissement légitime, ne permet pas la pauvreté crasse, garantit la justice, se dynamise par tous les moyens et se développe.
Un sentiment ? L’apport des valeurs républicaines laïques limite la compréhension. L’homme est plus qu’un citoyen discipliné accomplissant des actes civiques. L’homme en premier lieu est un être vivant, il éprouve des émotions, il a accès à un sens du sacré qui peut se comprendre comme une sensiblité et un respect pour toute forme de vie.
Comment faire ?
Tirons des leçons des expériences antérieures
Quelle est la bonne méthode pour agir et produire des résultats ? Socrate, Jésus, ou Gadhi offrent des exemples d’inspiration. Les démarches associent le refus de toute domination, le respect d’autrui, la responsabilisation de chacun, et la reconnaissance de la dimension sacrée. Ils ont prôné l’obédience à la Loi et la liberté individuelle. Ils montrent à quel point la parole inspirée par la foi peut impacter la vie et l’histoire des hommes. Mais ces exemples nous mettent également en garde, car leurs démarches ont un résultat commun. Ces trois hommes ont été mis à mort.
En effet, susciter des interactions dans la société, en créant du dialogue ou du débat, revient à créer des ouvertures et nouer des connexions. Cela implique qu’au niveau individuel chacun doit adopter ou renforcer un comportement de dialogue mêlant discours et écoute. Assumer ce nouveau comportement suppose deux choses : non seulement l’établissement de nouvelles connexions neuronales de l’encéphale de chaque individu, mais une vraie révolution dans la manière de penser. L’individu doit rehausser le niveau de son idéal, relever l’exigence de ses valeurs, augmenter son degré de vertu. S’évertuer.
Accepter la sensibilité
Nous éprouvons des émotions, notre culture ou notre éducation ne nous permettent généralement pas de les exprimer librement, et donc, nous les refoulons. Lorsque je suis attentif et que j’accepte ce que je ressens en moi, puis-je accepter d’être un homme malhonnête, irresponsable, malveillant ?
Le travail du romancier est plus explicite que le propos ci-dessus. Victor Hugo dans Les Misérables raconte comment un ancien bagnard Jean Valjean, triste et seul, souffre de son statut social de criminel : il est rejeté comme une personne foncièrement malfaisante et mauvaise. Un curé lui offre son secours et l’hospitalité. Jean Valjean, se conduisant en criminel, vole au curé son argenterie. Intercepté par des gendarmes, il est confronté au curé. L’attitude de ce dernier provoque une transformation radicale. En effet, le curé disculpe complètement Jean Valjean et lui offre l’argenterie pour de vrai. Ceci provoque la décision de Jean Valjean de transformer radicalement sa vie et d’être un homme bon et secourable.
Or un gendarme, Javert, persuadé que Jean Valjean est un homme mauvais, le poursuit. On reproche toujours aux autres les défauts qu’on déteste chez soi. Javert, qui veut faire condamner Jean Valjean, découvre finalement que celui-ci est un homme bon bien plus que lui-même. Alors, l’homme cruel et mauvais, n’est-ce donc pas lui-même, Javert ? La crise est insupportable, Javert se jette à la Seine.
Le défi du changement
Changer nécessite un moment de réadaptation difficile, la crise. Une crise implique les relations de la société et l’individu, ainsi que l’individu en lui-même dans son ressenti émotionnel, dans ses choix de valeurs et dans ses règles de vie. Une crise est une recherche de réponses à une question. Or à poser des questions, on ne peut éviter les réponses. L’estime qu’on a de soi peut être gravement entamée lorsqu’on s’aperçoit qu’on a fait fausse route. C’est pourquoi les réticences au changement sont parfaitement compréhensibles, et cela explique que ceux qui posent des questions trop sensibles sont volontiers contraints au silence.
« La difficulté de réussir ne fait qu’ajouter à la nécessité d’entreprendre. » Les réticences sont d’autant plus fortes qu’on ne se donne aucune possibilité de dialoguer. Nous n’avons jusqu’à présent jamais essayé de formuler ensemble les questions cruciales de manière à chercher des solutions acceptables par tous. Ces solutions offriraient à chacun une position et une image de soi restaurées et revalorisées.
Depuis vingt ans, les démocraties occidentales ont accompli des réformes profondes et, pour la plupart, dans la sérénité. Elles sont donc en meilleure posture pour aborder les problèmes de notre temps. Par conséquent, les Français sont capables des mêmes progrès.
Pourquoi l’Odissee ?
J’y ai vu immédiatement une occasion majeure de contribuer à la cause du salut public. Immédiatement j’ai sauté dessus.
Avant
Ma foi, depuis plusieurs années mon questionnement embrassait un vase horizon et perçevait la densité complexe des rapports entre les choses, sans pour autant déboucher sur aucun projet, faute de buts et de moyens clairs auxquels consacrer utilement mon énergie. Au delà d’accorder la conduite, mes règles et mes valeurs, je me sentais dans la position de l’âne de La Ferme des animaux de George Orwell. Il ne fait rien hormis d'exprimer sporadiquement son sentiment lucide et railleur par quelque propos sarcastique.
Peut-être inspiré par les fameuses paroles du président Kennedy : « Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » je me suis certes demandé si dans la sphère politique j’aurais pu aider les chefs à réaliser des actions d’intérêt général, ou bien comment aider les autres à améliorer leur qualité de vie. Or le pouvoir étant l’impuissance, ces mêmes chefs de la politique semblent dans la conquête du pouvoir se passer la corde autour du cou, à l’image de l’arcane XV du Tarot de Marseille. De l’autre coté, à voir un con, sot, mateur vautré devant la télé, le sentiment de compassion ne s’impose pas de lui-même. Celui-là même qui se rend à son travail en psalmodiant « ma p’tite retraite » peut-il s’intéresser à de grandes choses ?
Dans ces conditions il est parfaitement logique que les causes pour lesquelles on s’engage le plus volontiers soient la misère crasse, la lutte contre la faim, ou la scolarisation des enfants d’une contrée lointaine. Le besoin de secours est évident, et le rôle du secouriste est facilement reconnu.
Après
Or c’est notre propre pays qui a besoin que nous lui apportions notre secours. C’est nous-mêmes qui avons besoin de progresser. Le rôle du secouriste n’est guère gratifiant lorsque le besoin de secours n’est pas reconnu. Les Français n’ont pas encore pris conscience du bond en avant qu’ils ont besoin et qu’ils sont capables de faire.
Mais la responsabilité du changement ne m’incombe pas. Ni à l’Odissee, ni à personne. C’est à chacun de se botter les fesses.
A ce niveau, la démarche de l’Odissee m’apporte deux choses.
D’une part j’écoute des personnes présenter leur questionnement et j’en reconnais les parentés avec le mien. Nous avons des motivations et des objectifs similaires, nous ne sommes plus seuls chacun dans notre coin en voie de marginalisation, nous sommes en position d’agir pour le plus grand bien de tous.
D’autre part, l’Odissee m’apporte une méthode. Nous avons une stratégie (ô le bien grand mot !), nous focalisons nos désirs d’ouverture et de respiration dans la société sur un premier déclic. Un premier pas a beau être modeste, il n’en a pas moins le mérite d’être déjà un progrès. Un long voyage commence toujours par un premier pas.
Je participe donc à la mise en ouvre de ces réalisations.
Mon engagement dans l’Odissee
- Rédiger l’histoire des origines de la démarche Odissee ;
- Rédiger une lettre d’information périodique à destination de ceux qui ont eu des contacts et qui attendent une impulsion motrice ;
- Organiser une Table ronde sur le thème : « France, terre d’accueil ? » réunissant des personnes ayant vécu à l’étranger ;
- Aider les amis de l’Odissee à s’impliquer dans la démarche en utilisant des moyens efficaces.
« Si tu veux faire de grandes choses, prends ton temps. »