Comprendre le lien social, et le renforcer au service de l’intérêt généralLa performance d’une organisation ne dépend plus seulement des compétences techniques qu’elle réunit, mais de plus en plus de la capacité de ses dirigeants à faire réfléchir ensemble tous leurs interlocuteurs.
Dans la société et dans l’entreprise, le nouvel enjeu économique, politique et social devient la maîtrise de l’organisation du dialogue avec tous pour chercher ensemble l’intérêt général. Il s’agit désormais de maîtriser l’intelligence sociale, c’est à dire la capacité d’une personne ou d’un groupe de personnes à développer simultanément la cohésion sociale et la performance durable.
L’intelligence sociale, tome II du Discours de la méthode L’intelligence sociale consiste à développer une culture de responsabilité économique et sociale dans la perspective de développer simultanément et à long terme les performances économiques et les performances sociales, sur le double plan individuel et collectif. Elle permet de repérer, analyser et renforcer les savoir être ensemble et les savoir-faire ensemble des personnes physiques et morales :
L'intelligence sociale s'appuie sur tous les mécanismes psychologiques, sociologiques, philosophiques, (…) qui influencent à bas bruit toutes les relations inter individuelles et inter systémiques. Elle prend en compte les caractéristiques des personnes, s’attache à identifier la cause des comportements différenciés afin de paramétrer des processus de transformation spécifiques à chacun. Pour développer l’intelligence sociale de leur organisation, les décideurs doivent construire simultanément le vouloir dialoguer (attitude), le pouvoir dialoguer (situation) et le savoir dialoguer (capacité). Chaque contributeur est alors à même de mieux capter les signaux relatifs au contexte humain et économique, et ainsi de mieux comprendre pourquoi et comment optimiser le fonctionnement du collectif et les services rendus. Alors, cette veille sociale continue devient le moyen de passer d’une culture de guérison, à une culture d’anticipation. |
Comprendre et transformer le contexte
Mais, animer un collectif en permanence sur la durée suppose de comprendre ce qui relie chacune de ses composantes à toutes les autres. Un préalable est donc de procéder à une analyse des jeux d’acteurs, de leurs rapports de force et de leurs intérêts particuliers pour les faire converger vers des intérêts collectifs à long terme. Il s’agit de réconcilier l'organisation (société, entreprise, syndicat, …) avec toutes ses parties prenantes, aux yeux de certaines desquelles elle peut apparaître comme étrangère, du fait d'une dissonance dans la représentation collective de sa mission et de ses valeurs.
Pour ce faire, la révolution des structures peut s’avérer nécessaire, mais elle ne suffit pas : elle doit être accompagnée d’une révolution des esprits. En effet, transcender les intérêts particuliers n’est possible qu’en s’extrayant de l’actualité immédiate, en dépassant son passé personnel pour se projeter dans un futur commun. La question devient alors : « A quoi servirons-nous ensemble, demain, à autrui ? ». Ceci suppose de se tourner vers l’extérieur, vers ceux à qui l’on rend service, ceux qui bénéficient de notre travail, ceux qui justifient notre existence. Ceux-là sont des clients, des citoyens, des personnes : il s’agit donc de formuler une vision de la société et du rôle que l’on veut y jouer, puis de leur proposer des modalités d’implication adéquates. Pour que chacun adhère et participe à un nouveau contrat relationnel, il faut que tous en partage la même définition. Or, chercher sa raison d’être et affirmer une mission revient à réaliser une (r)évolution identitaire.
La clé de la révolution française : le 17 juin 1789
Pour avoir trouvé et activé la clé des changements, l’abbé Sieyes est le père de la Révolution. Le 17 juin 1789, partant du constat du décalage entre le poids démographique du tiers-états (98%) et son poids politique (un tiers des voix seulement, un tiers relevant de la noblesse et un autre tiers du clergé), exposé dans son essai Qu’est-ce que le tiers-état ?, il amène le tiers état à se proclamer Assemblée nationale. Instantanément, les acteurs de cette révolution identitaire portent un regard transformé sur leur environnement et se découvrent des marges de manœuvre. La responsabilité nouvelle qui en découle et leur incombe les conduit à enchainer en quelques semaines des décisions innovantes et restructurantes. Sans ce changement profond de prisme, pas de prise de la Bastille le 14 juillet, pas de nuit de l’abolition des privilèges le 4 août, ni de Déclaration des droits de l'Homme les 24 et 25 août. Attention toutefois, l’exemple de la Terreur de 1793 nous rappelle le risque inhérent au changement lorsque l’élargissement de la réflexion n’est pas maitrisé. |
Ainsi, dans cette logique de 17 juin, il suffit souvent de ne prendre qu’une seule décision consistant à préciser et redéfinir ce que nous sommes pour déclencher des décisions en cascade à tous les niveaux. Il s’agit de produire une (r)évolution à caractère identitaire, qui affirme à la fois un éthos, fondement profond du caractère à travers lequel il est possible de lire l’ensemble de son passé, et un télos, raison d’être et finalité qui orientent tous les actes à venir.