Un pacte de responsabilité pour tousLe développement global, qui allie lien social et performance, passe par un pacte de responsabilité souscrit par chaque personne[1].
Cette implication de chacun au profit de tous suppose de fortifier :
- l’inclination de chacun à embrasser la diversité des sources d’informations,
- la capacité collective à brasser les faits, expériences, analyses et idées,
- la coordination des savoir-faire et des énergies autour de l’intérêt général,
- la valorisation de chaque engagement pour le collectif.
Le continent européen a su transcrire dans ses systèmes politiques les deux précédentes révolutions de partage du savoir que sont l’écriture et l’imprimerie. Chaque fois, plus de citoyenneté a généré plus de responsabilité intellectuelle, plus d’innovation. D’où le rayonnement des européens sur le monde. En construisant une communauté économique en 1957, à laquelle ils ont adjoint une dimension sociale en 1992, l’Europe a entamé une troisième révolution systémique. Mais l’aspiration des citoyens à mieux être et à mieux réussir n’est pas satisfaite par le projet actuel. Aussi, l’exigence des européens force l’Europe à chercher et à actionner les racines profondes de la performance durable.
Face au mouvement permanent du monde, gare au repli sur nous-mêmes, notre passé, nos savoirs, nos intérêts particuliers, nos proches, consubstantiel à la concentration des pouvoirs en quelques mains « éclairées ». En effet, aucun dirigeant n’est en situation de gérer seul les périls tels que le chômage, les bulles financières récurrentes, les dettes publiques ou encore les pollutions de la terre, de l’eau et de l’air. Aussi, si nous voulons être capables de traiter ces problèmes au fond, il nous faut inventer de nouveaux processus, ouverts à tous et résolument orientés vers la recherche de l'intérêt général à long terme. La finalité consiste à activer la part du citoyen responsable de toute la cité qui réside en chaque personne. Entrer dans la responsabilité intellectuelle, dans la complexité, dans la citoyenneté active, ne suppose cependant pas de construire l’omniscience de chacun, mais plutôt de chercher ensemble des repères communs, des valeurs et priorités partagées qui doivent présider aux choix collectifs. Il ne s’agit plus de savoir s’il est nécessaire de développer d’abord de la performance pour construire ensuite du lien social, ou s’il est nécessaire de s’assurer d’abord d’une bonne qualité de lien social pour générer ensuite de la performance. Dans cette sémiocratie[2], démocratie portée par le sens, nous pourrons bâtir des solidarités à la fois intergénérationnelles, interethniques et interculturelles. L’enjeu le plus important, pour ceux qui souhaitent développer le vivre ensemble et le réussir ensemble, consiste à mieux faire prendre acte des forces et des faiblesses de chacun pour mieux exploiter et valoriser tous les potentiels et les talents.
Il s’agit donc à présent d’instituer une méthode de gouvernance nouvelle : faire en sorte que chacun, dans toutes les sphères et à tous les étages, observe mieux le terrain, entende beaucoup, échange des informations, croise ses analyses pour identifier avec les autres les racines des problèmes, les meilleures pratiques et les meilleures idées. Cette réflexion collective ne peut se tenir que si toutes les entreprises, syndicats, associations, écoles contribuent à son déploiement. Cela suppose de maîtriser des processus de dialogue qui permettent aux décideurs et aux dirigés, en passant par chaque composante du corps social, de prendre les décisions les plus éclairées, chacun à son niveau, puis de les mettre en œuvre selon ses moyens et son statut.
Au regard de leurs difficultés actuelles, les sociétés française et européenne ne peuvent éviter cet effort porteur d’un nouvel élan économique, social et sociétal. En relisant l’histoire longue des continents, le projet apparait comme une évidence : l’inventeur de démocraties qu’est l’Europe doit maintenant inventer la démocratie citoyenne[3]. Le projet consiste à inventer cette nouvelle ère démocratique, inhérente à l’évolution des systèmes numériques d’information et de communication, à travers laquelle chacun découvrira de nouvelles réserves pour mieux se comprendre, mieux comprendre le monde, et ainsi mieux développer simultanément sa personne, l’organisation dans laquelle il travaille et la société dans son ensemble. Sans cette réactivité institutionnelle, l’Europe serait en rupture de sa propre identité. La disparition de tout sentiment européen ne serait alors qu’une question de temps. Quant aux français, à ne pas exercer leur capacité de structuration de la pensée, ils seraient en divorce d’eux-mêmes, et l’affaissement déjà bien entamé s’accélèrerait encore.
Reste à déployer, à grande échelle et au sein de toutes les organisations, cette nouvelle génération de systèmes relationnels, managériaux et politiques, qui repose sur un pacte de responsabilité assumé par tous.