L'état social 2015 - Classement par religion
La comparaison des religions suppose un travail approfondi qui prenne en compte de nombreux facteurs historiques, géographiques, économiques…, et passer l’ensemble au crible des modèles de l’intelligence sociale : Grille d’analyse de l’identité collective, Grille d’analyse de l’apogée des sociétés, etc (voir première partie).
L’encadré ci-dessous présente une analyse qui porte seulement sur l’un des paramètres de la Grille d’analyse de l’apogée des sociétés : les niveaux d’ouverture et de fermeture à l’intérieur et à l’extérieur du corps social.
La généalogie des religions du Livre : comment ouvrir le vivre ensemble et le réussir ensemble ?
Cet encadré ne constitue pas une analyse comparative exhaustive, mais éclaire la difficulté grandissante d’organiser la cohésion sociale, c’est-à-dire le vivre ensemble, et la performance durable, c’est-à-dire le réussir ensemble, à mesure de la croissance de la taille du corps social. L’observation des trois religions issues de la Bible à travers leurs niveaux d’ouverture et de fermeture en interne et en externe révèle une suite logique de tentatives d’organiser le vivre ensemble à grande échelle, et au sein de groupes sociaux toujours plus larges. L’observation de leur contrat social révèle une équation spécifique à chacune : il est difficile d’entrer dans la communauté juive qui est permissive pour ses fidèles ; il est facile d’entrer dans la communauté chrétienne qui est devenue permissive en interne ; il est également facile de pénétrer dans la communauté musulmane qui est devenue contraignante pour ses fidèles. Ces équilibres différents génèrent des modalités différentes du vivre ensemble et de cohésion, et des niveaux de performance différents.
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Impacts des IDIS sur les analyses Les IDIS simplifient l’observation et autorisent une analyse affinée de l’ensemble mondial dans le temps, dans l’espace et par thème. Ils permettent de :
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Une des valeurs clés de la religion judaïque est « Tous les juifs sont responsables les uns des autres ». Cette phrase simple mais fondamentale véhicule un projet de société porteur à la fois de cohésion sociale interne à la communauté, et de responsabilité à la fois intellectuelle et pratique. Ce dessein constitue un élargissement des deux valeurs qui forment la clé de la cohésion et de la performance, la responsabilité et la solidarité, à l’ensemble d’une communauté et non plus seulement à sa seule famille et ses seuls amis. Cette posture intellectuelle pousse les juifs à admettre les différences à l’intérieur de leur groupe social, à vivre ensemble dans la dialectique, jusqu’à avoir généré le Talmud, qui assume la confrontation des interprétations de la Bible en agrégeant les analyses, et même les analyses des analyses. Les juifs ne sont pas plus que d’autres d’accord entre eux, mais leur appartenance au groupe finit toujours par l’emporter pour éviter toute fracture qui pourrait s’avérer indélébile. De plus, cette phrase identitaire capitale dépasse de loin la notion de tolérance de la différence, et porte celle de l’entraide, de l’assistance aux personnes démunies, aux plus faibles, mais aussi tout simplement aux autres, en respectant les différences de parcours, y compris en prenant en compte et en plaçant à égalité de chance les idées, les talents et les potentiels de chacun. Ces valeurs d’entraide et de solidarité sont d’autant plus développées que les communautés juives de la diaspora étaient minoritaires là où elles habitaient et que leur respect était une des conditions de leur survie. Bien sûr, chaque personne qui se trouve hors de la communauté peut toutefois suivre un parcours d’intégration. Mais le chemin est long et fastidieux, il dure de 2 à 4 ans, et est surtout révélateur d’un engagement à vivre ensemble ces mêmes valeurs, et donc à s’inscrire en profondeur dans le collectif. Si les juifs forment une communauté unie et ouverte à l’intérieur d’elle-même, leur communauté reste fermée à ceux qui n’en font pas partie, sauf à ceux qui s’engagent de façon volontaire et consciente. Ils sont parvenus à obtenir un très haut niveau de cohésion et de performance qui regroupe aujourd’hui treize millions de personnes
Le message des chrétiens constitue un niveau supplémentaire de l’élargissement du vivre ensemble, encore beaucoup plus ouvert que celui des juifs, puisqu’il a une vocation universelle. Leur projet est d’englober toute l’humanité dans un même vivre ensemble, en proposant à chacun d’intégrer tous les Hommes dans une même dynamique de respect mutuel, de cohésion globale et de responsabilité partagée vis-à-vis de tous. Ce projet d’unification et de pacification globales correspond à une posture d’absolu sens de l’humain. Si, comme les juifs, les chrétiens restent ouverts à l’intérieur de leur communauté en tolérant des pratiques aléatoires, ils s’ouvrent à tous à travers le sacrement du Baptême, qui est le premier des trois sacrements de l’initiation chrétienne avec la Communion et la Confirmation. Il est précédé d’une période de préparation au cours de laquelle le futur baptisé découvre la foi. Pour les nouveaux-nés, les parents suivent une préparation qui les aide à comprendre le sens du sacrement. Cette triple démarche pose une volonté basique d’être intégré, et reste bien éloigné de l’implication quotidienne des juifs dans la Cashrout. Cependant, la religion catholique évolue à l’heure des conciles et synodes afin de définir ensemble une optimisation des mécanismes du vivre ensemble. L’échelle agrandie au centuple n’a pas permis d’intégrer sans heurts la diversité des personnes ni de leurs pensées. La dialectique dans un cadre surdimensionné a trouvé ses limites, jusqu’à générer des ruptures identitaires reposant sur des définitions et des modes de fonctionnement différents, au point de constituer des groupes séparés qui ont décidé de suivre des chemins divergents dans des communautés scindées : les prémices du premier schisme entre orthodoxes et catholiques (1054) remontent au concile de Nicée (325), qui est basé sur une seule lettre, iota, qui change la nature de la relation du Christ à Dieu ; les protestants ont conçu un rapport simplifié à Dieu. L’émergence de ces approches différentes n’a pas mis un terme aux fractures sociales profondes et aux nombreux épisodes violents de guerres fratricides, et a même au contraire parfois été le déclencheur de guerres de religion. Au total, les chrétiens regroupent actuellement près d’un tiers de l’humanité (2,3 milliards de fidèles, soit près de deux cents fois plus que les juifs qui ne sont que treize millions) : l’élargissement quantitatif a été réussi. Mais sur le plan qualitatif, leur cohésion n’est pas uniforme et leurs performances restent disparates. La vocation universelle du message des musulmans est identique à celle des chrétiens. Sur le plan pratique, chacun peut encore plus facilement entrer dans la communauté. En effet, l’ouverture aux personnes extérieures est possible sans peine, au point de permettre à chacun d’entrer en prononçant une seule phrase, bien loin du lourd processus d’étude préalable exigé des candidats au judaïsme ou de la catéchèse chrétienne. Mais les obligations commencent une fois que l’on est admis au sein de la communauté : l’appartenance, la croyance et la pratique sont indissociables. Le musulman doit respecter les cinq piliers de l’Islam. Parmi ceux-ci, les cinq prières quotidiennes et le mois de jeûne de Ramadan, imposent des rythmes et des contraintes importantes. Il se trouve donc obligé dans ses pratiques quotidiennes et visibles, comme les juifs en théorie, mais dont les pratiques aléatoires sont désormais tolérées au sein de leur communauté, comme chez les chrétiens. Le respect de chacun des éléments de ce cadre coercitif constitue à la fois autant de mécanismes d’ancrage dans la communauté que de preuves de l’engagement réitéré et sans faille de la personne à s’inscrire résolument dans le collectif. Ainsi, l’Islam signifie soumission et le Coran signifie récitation : la communauté est gérée par des mécanismes internes qui s’imposent à tous. Cette démarche, qui oblige tous les membres de la communauté à communier en posant les mêmes actes en même temps, a pour fonction sociale de maintenir et conserver la capacité d’un collectif de grande taille à vivre ensemble. Mais la notion de récitation est une méthode pédagogique qui consiste à reproduire un message par cœur, sans garantie de s’imprégner en profondeur du sens profond qu'il contient, ni donc de fonder l’adhésion par un choix lucide réitéré. L’option prise par l’Islam de limiter la dialectique, à la fois entre les fidèles et entre les fidèles et Dieu, ne lui a pas permis d’éviter les dissensions et les ruptures idéologiques et politiques internes : comme chez les chrétiens, des guerres fratricides se sont déroulées entre Chiites, Sunnites, Wahhabites… Mais l’Islam parvient néanmoins à regrouper près d’un quart de la planète (1,6 milliards de fidèles, soit un tiers de moins que les chrétiens), avec, comme chez les Chrétiens, une cohésion morcelée en de nombreuses variantes, et en obtenant des niveaux disparates de performances. D’un point de vue sociologique, aucun système ne parait parfait : les juifs, très performants, restent en revanche volontairement très minoritaires et courent le risque d’être isolés, ce qui constitue la source du rejet dont ils ont été l’objet à maintes reprises et en de nombreux lieux ; les chrétiens et les musulmans dominent en quantité, sans toutefois atteindre leur objectif d’organiser de façon spontanée une universalité du vivre ensemble et du réussir ensemble. |