III - Le Télos européen : inventer la démocratie citoyenneIntroduction
Aujourd’hui, le projet européen n’est pas compris des citoyens : le rôle des institutions n’est pas bien identifié et le débat sur l’Europe n’a tout simplement pas lieu.
Certains pays (Irlande, Pays-Bas, France) ont rejeté le projet de constitution de l’Union européenne qui leur était proposé en 2005. Pourquoi ? Une partie, au moins, de la réponse tient dans la méthode suivie : si le texte a été rédigé par un groupe d’experts, certes très qualifiés, son élaboration ne relevait néanmoins pas d’un exercice correspondant à ce que s’estiment en droit d’attendre tous ceux qui ont dorénavant accès à tout le savoir de l’humanité en quelques clics, mais émettent aussi chaque jour des dizaines de mails, SMS et autres messages électroniques.
En effet, le processus rédactionnel est resté hermétique au citoyen qui n’a pas été associé, consulté, ni sollicité. Si le travail a été collaboratif, la collaboration est restée dans un cercle lointain et inaccessible à la grande majorité. En disant non au texte, les citoyens n’ont fait qu’entériner la distance qui les tenait à l’écart de sa rédaction.
De tels mécanismes, non interactifs, fermés, qui relèvent de la représentation de tous confiée à une poignée seulement, sont désormais rejetés par une partie croissante des citoyens. Cette délégation d’un pouvoir total ne parait plus légitime aux yeux du plus grand nombre. La montée de l’abstentionnisme sanctionne la difficulté des Etats à traiter les enjeux destructurateurs de la société, tels que le chômage, la pollution, les déficits publics. Ce rejet du projet de constitution de l’Union correspond donc autant, sinon plus, à une sanction de ladémocratie représentative qu’au contenu lui-même de la réforme envisagée. Dans de nombreux pays, beaucoup pourraient d’ailleurs parier sur un résultat identique d’un référendum interne qui porterait sur leur propre constitution nationale, pour cette même et simple raison qu’elle ne prévoirait pas plus de les associer aux affaires publiques. Les télécommunications, en donnant la possibilité technique de s’exprimer, engendrent une appétence culturelle à prendre la parole, ce qui rend indispensable d’organiser cette prise de parole de façon structurelle, y compris dans la sphère publique.
La mise en œuvre de la démocratie citoyenne tient en quelques décisions simples relevant avant tout des citoyens, au premier rang desquels les décideurs de toutes les sphères, qui détiennent souvent le monopole de la capacité d’initiative de nouvelles possibilités de réflexion collective vraiment organisée. C’est à la Commission de lancer la spirale en provoquant un choc interrelationnel. C’est au Conseil européen de finaliser l’instauration d’une démocratie représentative digne de ce nom, en opérant deux réformes des institutions.
Le Télos européen : inventer la démocratie citoyenne