Etre et penser ensembleLes succès futurs d’une organisation sont le résultat de sa capacité à impliquer la diversité de ses composantes dans la résolution des problèmes qu’elle rencontre.
L'étude interactive permanente entreprise en 1990 Comprendre et développer la Personne, l'Entreprise, la Société a conduit l'Odis a identifier la racine profonde de la performance durable et de la cohésion sociale à long terme.
Aux racines de la performance durable
La performance à long terme d’un groupe social dépend de sa capacité à adresser les problèmes qu’il rencontre. Lesquels se multiplient et se complexifient à mesure que le cercle s’élargit. Pour faire front à l’amplification des difficultés, il convient d’accroître le niveau de vigilance et les capacités d’innovation. Or, inventer de nouvelles combinaisons face à de nouveaux problèmes suppose d’établir de nouveaux liens entre de nouvelles idées. Cela advient d’autant mieux que de nouvelles relations s’instaurent entre de nouvelles personnes. En effet, de la diversité des sources d’informations découle la compréhension du sujet observé. Cette connaissance du terrain est donc proportionnelle à la quantité de personnes associées au recueil et à l’analyse de l’information, ainsi qu’à la recherche de solutions. En conséquence, l’éventuel génie du seul dirigeant peut certes produire des succès ponctuels, mais sans l’implication du collectif, la probabilité d’une réussite peu durable est forte. Pour prospérer, un ensemble doit donc focaliser l’énergie de ses composantes à déployer un projet commun selon un plan d’action cohérent. Une suite prolongée de bons résultats est toujours la conséquence du travail d’une équipe. La performance durable provient de la faculté à agir ensemble.
Agir ensemble
Cette capacité à agir ensemble découle de la répartition des rôles entre les acteurs. L’efficacité du collectif est le produit de la qualité des services que se rendent les acteurs les uns aux autres. Chaque composante doit être utile au bon fonctionnement de l’ensemble. Les accomplissements progressifs et les interactions multiples obligent le repositionnement permanent des fonctions les unes par rapport aux autres. Or, l’acceptation par chacun des nécessaires évolutions de sa propre mission suppose la compréhension des raisons du changement. Ce partage continu des informations requiert de la bienveillance pour les personnes qui les portent alors même qu’elles vivent des situations différentes, voire contradictoires avec les nôtres. C’est bien l’attention constructive et non complaisante portée à chaque personne, chaque fait et chaque idée qui produit la lucidité et le discernement nécessaires à la définition de projets pertinents et de plans d’actions judicieux. Le développement du groupe et celui de chaque personne sont en conséquence tributaires de la qualité du savoir-être ensemble pratiqué dans le tissu relationnel. Agir ensemble nécessite donc d’être ensemble.
Être ensemble
Être ensemble ne se résume pas à être physiquement ensemble. En effet, il est tout à fait possible d’être en présence les uns des autres tout en pensant à autre chose, de ne pas écouter celui qui parle, de ne pas entendre ce que l’on essaie d’écouter, de ne pas comprendre ce que l’on entend, de ne pas être d’accord avec ce que l’on comprend. Aller à la rencontre de l’autre ne suppose pas seulement de le voir, mais également de découvrir sa pensée, laquelle s’appuie sur ses savoirs, ses expériences, ses croyances et ses intentions. Cette exploration réciproque de la réalité d’autrui nous amène, par étapes, à élaborer une représentation commune du présent, du passé et de l’avenir. Croiser les existences suppose donc non seulement de croiser les chemins, mais aussi de croiser les préoccupations et les choix. Être ensemble relève donc de la capacité à penser ensemble.
Penser ensemble
La faculté à penser ensemble les contours d’une vision partagée provient de l’examen collectif des événements passés ainsi que des options possibles pour l’avenir. Cela consiste à réaliser ensemble l’analyse comparative et objective des différents scénarios alternatifs historiques et futurs. Cette mutualisation des données et de leur examen exige que les informations et les interprétations de chacun soient bien prises en charge par le groupe. Il ne s’agit pas seulement d’amasser et de juxtaposer renseignements et théories pour permettre à chacun de produire son monologue personnel, mais au contraire pour les assembler, les combiner, les connecter les uns aux autres. C’est alors seulement qu’il devient possible d’établir un entendement partagé des données et des idées. Penser ensemble ne peut donc résider dans le seul échange, mais de façon plus sophistiquée, présuppose de chercher à comprendre ensemble.
Comprendre ensemble
Cette possibilité de comprendre ensemble la densité des phénomènes contextuels et prospectifs est elle-même le résultat d’une discipline d’étude collective des informations et des savoirs. La coproduction de diagnostics et la co-définition de projets imposent qu’une démarche d’approfondissement collégiale et d’acceptation individuelle soit définie avec minutie. Alors seulement, par la confrontation avec autrui, chacun pénètre peu à peu la complexité et se place en position de mieux exercer sa vigilance, sa créativité et son libre arbitre. Or, concevoir une telle méthode ne doit pas viser seulement la compréhension par chaque personne de façon isolée, mais aussi la convergence des différentes compréhensions isolées et partielles en une compréhension collective plus complète. Comprendre ensemble suppose donc de réfléchir ensemble.
Réfléchir ensemble
Pour réfléchir ensemble, il faut qu’un mécanisme garantisse sans répit le pilotage des phases différentes de gestation et d’accouchement d’une véritable réflexion collective. Cela suppose de définir un processus global qui répartit les rôles dans les interactions relationnelles et intellectuelles. Le cheminement doit être mis en œuvre en portant à chaque instant toute son attention à impliquer toujours mieux chaque socio profil d’acteurs en fonction de son statut, son expérience, ses savoir-faire, ses savoirs, ses croyances, ses avis et ses propositions. Alors, la dialectique sociale produit un raisonnement collectif et des conclusions collectives. Ainsi naissent les diagnostics partagés et les projets partagés. Il est donc nécessaire d’élaborer la maïeutique collective qui saura associer chaque composante du corps social à la recherche de la performance à long terme. Il s’agit donc de composer les modèles, les outils, les méthodes et les processus qui articuleront l’écoute par tous de la parole de chacun. En définitive, la performance durable est donc le fruit de la capacité à réfléchir ensemble.
Nous pensons ensemble, donc nous sommes ensemble
D’après Descartes, « Je pense, donc je suis ». Donc, pour être ensemble, il nous fait penser ensemble. Or, penser ensemble suppose que nous tenions pour certaines les mêmes choses, que nous partagions donc un même diagnostic à partir duquel nous tentons d’imaginer ensemble ce que nous sommes, ce que nous devons être ou ne pas être ensemble et ce que nous devons faire ou ne pas faire ensemble.
Ainsi, deux préalables apparaissent pour effectivement être ensemble :
- Vouloir recenser et examiner avec nos interlocuteurs les informations, expériences, avis et propositions alternatives, inventorier que l’on tient ensemble pour certain. Cela tient lieu de point de départ à tout échange
- Savoir analyser ensemble. S’accorder sur une même méthode d’analyse et de réflexion collective pour rester dans le « Vrai », mais surtout aller toujours plus loin dans cette quête du « Vrai », dans la formulation de projets communs qui nous feront progresser ensemble.
Un contrat social durable basé sur des valeurs et des méthodes communes
Ainsi, dans notre société de communication, il est fréquent que l'on soit physiquement présent tout en n'étant pas vraiment là parce que virtuellement ailleurs. Inversement, lorsque l’on construit un lien durable, "être là" ne suppose pas d'être physiquement présent, mais d'être animé par un même esprit : on peut "être là" même si l'on est physiquement ailleurs. Un contrat social responsable, en mesure d'alimenter un lien vraiment durable, doit permettre à chacun de choisir d'"être là" ou ailleurs. Pour une personne comme pour organisation, engendrer chez autrui l'envie d'"être là", de s'engager dans un projet commun est la clé de la performance durable.