<strong>La retraite et le citoyen</strong>
Citoyenneté et solidarité entre générations
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Chronique 33 - Repenser les retraites pour repenser la société et l’entreprise

Réinventer le siège du Juste pour utiliser la sagesse de nos ainés et de la jeunesse.

 

A l’origine : un revenu de remplacement lorsque la force de travail quitte le salarié

A l’époque de la création du système de retraites en 1946, l’espérance de vie était inférieure à 65 ans et l’âge moyen d’entrée dans la vie active était inférieur à 18 ans[1] : la carrière longue se terminait une fois sur deux avant la retraite… ! Il s’agissait alors d’assurer un revenu de remplacement aux personnes dont leurs forces de travail les quittaient.

 

Le jardin d’Eden

Depuis, la donne a changé : l’entrée dans la vie active est de plus en plus tardive et les carrières débutent plus de trois ans plus tard, en moyenne  après l’âge de 21 ans ; les taux d’accidents du travail et tous les indicateurs de pénibilité révèlent des vies professionnelles bien moins dures ; l’espérance de vie s’est élevée à 82 ans[2] ; l’espérance de vie en bonne santé est de plus de quinze ans pour les personnes qui atteignent l’âge de 60 ans en bonne santé ; l’âge de la retraite est passé de 65 à 60 ans en 1981.

 

Désormais, une personne qui prend sa retraite continue de jouir de ses capacités intellectuelles et physiques mais n'est plus soumise aux contraintes de la vie professionnelle : finis les horaires, calendriers, responsabilités, obligations, supérieurs hiérarchiques… : c’est l’âge d’or de la vie qui démarre, ouvrant quinze années de vraie liberté. Cela n’avait encore jamais existé dans l’histoire du monde. De revenu de remplacement qu'elle était à l'origine, l’allocation retraite s’est transformée à présent en revenu de liberté. Même si l’équilibre économique reste bien délicat pour certains, le système de retraites a changé de sens : il réalise le rêve du Jardin d’Eden !

 

Endiguer les retraites forcées

Bien sûr, certains sont poussés vers la retraite alors qu’ils préféreraient rester en activité. Le Conseil Economique et Social de l’entreprise (CSE) pourrait utilement tenir une fois dans l’année un échange sur ce que fait l’entreprise pour maintien des seniors dans l’emploi, voire sur son intérêt dans recruter.

 

Rester actif pour réussir sa retraite

Quant aux retraités, tous n’utilisent pas leur temps de la même façon : poursuite d’une activité professionnelle, engagement socio-politique ou associatif, occupation intellectuelle ou familiale. Toutefois, beaucoup restent aussi dans l’oisiveté ! Or, maintenir ses facultés cérébrales et physiques suppose de les utiliser et constitue un facteur vérifié de bonne santé. Les loisirs sans limites pourraient donc bien être synonymes d’une retraite ratée et abrégée.

 

Par ailleurs, fort d’études plus longues et d’une vie professionnelle devenue plus intellectuelle que physique, chacun peut lier plus de savoirs à ses expériences pour prendre plus de recul et mieux s’extraire des futilités. De plus, une fois à la retraite, il devient possible de s’extraire des jeux de pouvoirs : moins de prérogatives à défendre et moins de comptes à rendre permet de se dégager du besoin de plaire et de l’exigence de complaisance. Ainsi, il faut réaffirmer une vérité connue de temps immémoriaux : les ainés sont en position d’être des sages ! Tout au moins, des acteurs plus sages que les autres.

 

Inventer un Siège du Juste occupé par les retraités

Aussi, ceux qui détiennent un meilleur niveau d’intelligence de la vie, de l’entreprise et de la société devraient se voir confier un nouveau rôle, dans un nouveau cadre. Pour cela, il faut mettre au point un mécanisme producteur de diagnostics et de propositions libéré des contraintes opérationnelles à court terme. Ce siège du Juste pourrait prendre la forme d’un Collège des sages à installer au sein du nouveau Comité Social et Economique dans l’entreprise, dans les instances nationales et territoriales des organisations sociales, des partis politiques et des Conseil Economique et Social locaux et régionaux de toutes les collectivités territoriales.

 

Bien sûr, si la parole des membres de cette instance doit peser autant que celle de tout autre acteur dans les phases de réflexion, elle ne saurait être que consultative dans les phases de décision. Et elle ne peut s’appliquer qu’aux sujets qui ne relèvent pas de la confidentialité.

 

Le siège du Juste occupé aussi par les jeunes

Mais, en ces temps nouveaux où l’information circule comme la lumière et où plus personne n’est légitime, les séniors ne le sont plus non plus. Le siège du Juste ne peut donc leur être laissé en monopole : il doit aussi être composé d’un Collège des jeunes qui donne une place à l’étonnement des nouveaux entrants dans la vie active et citoyenne. Sans barrières mentales, leur bon sens encore candide leur permet, à eux aussi, de dire des vérités qui ouvrent des perspectives complémentaires.

 

Ainsi, les savoirs, idées et énergies des plus sages et des plus jeunes d’entre nous ne seraient plus passés en pure perte comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Cette nouvelle formule des Etats généraux composés de trois ordres (actifs, sages, jeunes) constituerait un renouveau des relations intergénérationnelles et réconcilierait les séniors, les jeunes, l’entreprise et la société.

 

 

Le Cv citoyen

Les retraités et les jeunes qui le souhaitent pourraient ainsi assumer une responsabilité nouvelle au sein de tous les types d’organisations, sans pour autant occuper les places des actifs non retraités. Cet engagement dans la sagesse et le temps qui y est passé devrait être mémorisé dans le Cv citoyen, puis valorisé dans les points retraites. Il devrait aussi être rapproché des comptes déjà existants dans le compte personnel d’activité (Compte personnel de prévention, Compte d’engagement citoyen et Compte personnel de formation). Cela permettrait notamment de traduire la reconnaissance de toute activité socialement utile par l’attribution de points au compte engagement citoyen et une transférabilité de ces points vers le compte personnel de carrière.

Installer cette nouvelle instance dans les entreprises et les collectivités publiques ouvrira la nécessité de faire converger d’autres sujets stratégiques pour notre vivre ensemble et notre réussir ensemble : l’innovation, la cessation progressive d’activité, le lien au travail, l’organisation interne, l’inclusion de tous (jeunes/vieux, femmes/hommes, religions/origines…), la gestion des talents et compétences, le tutorat, le mode managérial, l’animation de la réflexion collective, ou encore la valorisation de l’engagement et du temps citoyen (y compris dans les points retraite)… Surtout, cela permettra d’aborder tous les sujets avec plus de sérénité, d’imagination et d’ouverture d’esprit.

 

Pour faire société, chacun doit occuper la place qui est la sienne, voilà celle des retraités : le siège du Juste !

 

 

è Propositions

 

1.    Obligation d’une Séance thématique du Conseil Economique et Social des entreprises sur le recrutement et le maintien dans l’emploi des séniors.

2.    Création d’un Collège des sages et d’un Collège des jeunes pour constituer un Siège du Juste au sein du nouveau Comité Social et Economique dans l’entreprise, dans les instances nationales et territoriales des organisations sociales, des partis politiques et des Conseil Economique, Social et Environnemental de toutes les collectivités territoriales. Les trois collèges forment Les Etats-généraux des organisations et territoires.

3.    Mémoriser les pratiques citoyennes et le temps qui leur est consacré dans le cadre formel du Cv citoyen.

4.    Valoriser le temps comptabilisé par le cv citoyen dans les points retraites.

 

è Consulter les précédentes chroniques
 



Chronique du 31/01/2020 La Tribune


[2] Les femmes vivent six ans de plus que les hommes. Le resserrement progressif de l’écart marque une inégalité plus sociale que biologique. 

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