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À la recherche de l’intérêt général
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5. Vers un nouveau paradigme économique, social, politique

L’ensemble des cartographies fait apparaître que selon la gouvernance en place, soit les territoires produisent simultanément du lien social et de la performance, soit ils n’arrivent à développer aucun des deux.

Les niveaux relatifs de performance et de lien social découlent ainsi de la capacité des territoires à :

  • mutualiser l’information et la réflexion en impliquant les acteurs dans le dialogue,
  • les mobiliser et les coordonner autour de l’intérêt général, en suscitant et en valorisant l’engagement pour le collectif.

 

Au regard de ces résultats, apparaît la caducité de la question qui consiste à savoir s’il faut d’abord développer le lien social pour ensuite pouvoir développer de la performance ou l’inverse.

Ces deux prismes opposés, qui trouvent leur origine aux débuts de l’ère industrielle, se déclinent dans le champ politique sous la forme du clivage libéralisme / socialisme. Au-delà des appellations qui peuvent être sujettes à caution, il s’agit en fait d’un appréhension différente des relations entre lien social et performance : la tendance socialiste, et plus globalement celle des partis situés à gauche de l’échiquier politique, fait primer le lien social sur la performance, tandis qu’à l’opposé, la tendance des partisans du libéralisme économique, et plus globalement celle des partis de droite, est de faire primer la performance sur le lien social.

Or, la corrélation étroite entre Lien social et Performance, démontrée statistiquement dans ce rapport et dans les précédents rapports L’état social de la France, dévoile le peu de fondement de ce clivage, et donc la caducité des termes actuels du débat public. Les indicateurs statistiques montrent qu’il n’y a pas de performance durable sans qualité du vivre-ensemble ; en miroir, il n’y a pas non plus de cohésion sociale durable au sein d’un groupe social qui ne remporte pas quelques succès collectifs. Les raisonnements politiques, sociaux et économiques ne peuvent plus être « Faut-il générer d’abord du lien social, ou d’abord de la performance ? », mais « Comment faire pour générer les deux simultanément ? ». En effet, sur une longue période, on constate qu’un corps social soit construit l’un ET l’autre, soit les détruit. Car les niveaux de lien social et de performance dépendent d’un paramètre commun : c’est le mode de gouvernance, qui organise la circulation des personnes et des informations afin que chaque fait, chaque idée, chaque expérience, chaque savoir-faire et chaque énergie trouve la place qu’il mérite au profit de tous.

                           Le choix entre le lien social et la performance n’est pas durable

Une nouvelle grille de lecture de la société se fait ainsi jour : il ne s’agit plus de savoir s’il est nécessaire de développer d’abord de la performance pour construire ensuite du lien social, ou s’il est nécessaire de s’assurer d’abord d’une bonne qualité de lien social pour être ensuite capable de générer de la performance collective. Il s’agit de déterminer si, face aux dangers qui guettent et aux évolutions nécessaires pour s’adapter au mouvement permanent du monde, nous allons nous replier sur nous-mêmes, notre passé glorieux, nos savoirs théoriques, nos intérêts particuliers, nos proches, avec un mode de gouvernance qui concentre les pouvoirs en quelques mains que nous croyons « éclairées » ou si nous allons savoir organiser l’ouverture à toutes les personnes, tous les faits, toutes les idées.

 

L’explication et l’écoute : nécessaires, mais insuffisants

A l’âge du multimédia, chacun d'entre nous reçoit chaque jour une quantité phénoménale de messages. Cette diversité de l’information forge autant d’opinions que de personnes : de plus en plus mûrs ou croyant l’être, nos concitoyens, qu’ils soient dirigeants ou « dirigés », veulent s'exprimer et refusent d'adhérer a priori aux décisions, tant dans les sphères publiques et professionnelles, qu’associatives, syndicales et même privées.

Le citoyen, le salarié, l’actionnaire, le client, les fournisseurs, l’adhérent, le militant, le bénévole veulent avoir accès à une information objectivée, mais souhaitent aussi s’exprimer. Cette évolution culturelle génère un niveau d’exigence élevé quant aux modalités de communication et d’intervention.

Prendre le temps de l’explication ne suffit donc plus. Livrer un raisonnement, fut-il très éclairant, comporte plusieurs limites : certains peuvent être en désaccord, d’autres ne pas comprendre, d’autres enfin ne pas écouter parce qu’ils ont un préjugé sur l’émetteur, ou tout simplement parce qu’ils ont le sentiment de ne pas avoir été eux-mêmes entendus.

Le législateur et l’exécutif, tout comme les chefs d’entreprise, de famille, les responsables syndicaux, politiques, associatifs, doivent tenir compte de cette culture nouvelle et se placer en situation d’écoute de cette multitude d’avis. Tout comme les entreprises les plus performantes ont su développer un nouveau mode managérial plus ouvert au dialogue, il nous faut renforcer la démocraticité de notre processus législatif et construire la loi en se plaçant à proximité et à l’écoute du citoyen. Il s’agit de dialoguer avec lui pour lui donner la parole et non pour lui donner raison. Cela ne conduira pas à aliéner la capacité de décision, mais à la renforcer.

Mais attention, si cette écoute et cette prise en compte de toutes les informations et de toutes les idées sont indispensables, elles ne sont cependant pas suffisantes. Après avoir écouté, le dirigeant est sensé avoir entendu et donc compris : ayant donné la parole aux intérêts particuliers, il prend alors le risque d’avoir à leur donner raison, sauf à tenter d’élaborer lui-même une synthèse qui les dépasserait, et à retomber dans l’explication et les risques qu’elle lui fait courir.

Il convient donc d’aller plus loin que l’explication et l’écoute et de faire réfléchir l’ensemble des parties prenantes à travers un dialogue de qualité qui garantira non seulement l’émergence d’innovations porteuses d’intérêt général, mais surtout leur appropriation par le plus grand nombre. Or, transcender les intérêts particuliers et forger une vision commune des contraintes et des projets supposent d’organiser la confrontation objective et constructive des différents avis et propositions des citoyens. L’enjeu est là : définir et mettre en œuvre une méthode de réflexion collective, pour irriguer la société d’une capacité à inventer et à se remettre en question de façon constructive.

Il s’agit de concevoir et d’installer, en plus des processus classiques de décision et de contrôle, un processus de réflexion interactive préalable à la décision. L’objet de ces processus doit être de consulter les « dirigés » (citoyens dans l’espace public ou collaborateurs dans l’entreprise) non pas pour les interroger sur leur satisfaction vis-à-vis des décisions prises, mais pour leur permettre de contribuer de façon active, en amont des décisions, d’une part à la formulation du diagnostic et des raisons éventuelles de la nécessité du changement, et d’autre part à l’étude comparative des recommandations et arbitrages possibles.

L’objectif est double : d’un côté, que les personnes expriment leurs attentes, leur vision, mais aussi leurs réticences et leurs craintes, et de leur côté, que les décideurs et experts aient accès à des tribunes d’un nouveau type, à partir desquelles ils puissent présenter leurs analyses, ambitions, actions, pratiques et projets.

 

La France en chiffres : 

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