Page précédente Page précédente

Chronique 65 - Absence de débat électoral : activer la clé du financement public Élections présidentielles, le débat et le financement

L’absence de débat public de qualité entre les candidats et à l’intérieur même des partis politiques est préjudiciable à la démocratie ainsi qu’à la légitimité des décideurs. La limitation du financement public aux seuls candidats qui recueillent plus de 5% des suffrages exprimés en rajoute : les « petits » candidats n’étant pas remboursés, leurs moyens d’action sont réduits et le rayonnement de leurs idées aussi.

Plusieurs options pourraient être considérées pour réformer en profondeur le système politique français : interdire la renouvelabilité du mandat présidentiel, supprimer l’élection du Président au suffrage universel, rééquilibrer les pouvoirs entre chef d’État et chef de gouvernement, insérer au
moins une dose de proportionnelle pour les législatives, confier la plus grande partie de l’ordre du jour du Parlement dans les mains des groupes parlementaires, organiser un débat public participatif dans chaque circonscription préalable au vote du Parlement, espacer les élections législatives des élections présidentielles… Mais la solution la plus simple et la plus complète réside dans la réforme du financement public des partis politiques. L’État apportant sa contribution financière aux candidats aux élections présidentielles et aux partis politiques, il peut leur imposer des conditions quant à leur vie démocratique.

Conditionner l’accès au financement public à la tenue d’un grand débat interne
Certains candidats ont la mainmise sur leur parti politique et ne souffrent donc d’aucune contestation interne (en 2022, les quatre candidats en tête au 1 er tour ont créé leur propre parti). Or, faire financer un despote par le citoyen semble tout à fait incongru. Certains partis politiques se sont essayés à la tenue de primaires pour désigner leur candidat. Mais il faut du temps pour partager un raisonnement et mûrir ses conclusions. Alors qu’elles visaient le rassemblement, faute d’être bien articulées, ces tentatives aléatoires ont conduit à la désunion et à la défaite. Néanmoins, c’est bien dans la manière dont ce processus de primaires internes est organisé que réside la possibilité de tenir un débat public de qualité.

L’obtention d’un financement public par une organisation politique devrait être conditionnée à la tenue d’un processus de dialogue interne qui aboutirait à la désignation du candidat en trois phases étalées dur au moins un an : un tour de France consistant en une succession d’étapes régionales, précédé d’un prélude qui valide les candidatures aux primaires et conclu par un congrès national qui valide la candidature aux élections présidentielles.

1) Les candidats à la candidature
Un parti qui ferait l’unanimité derrière un unique candidat avant tout débat ne peut être considéré comme démocratique. Aussi, le débat interne devrait se tenir entre au moins deux candidats. Tout candidat à la candidature devrait pourvoir communiquer aisément avec l’ensemble des adhérents pendant au moins six mois avant la validation des candidatures. Toute candidature recueillant le parrainage d’un minimum d’adhérents devrait être validée (quantité peu élevée afin de permettre la présence de dissidents : 100 parrainages dans au moins cinq régions ?). Toute candidature validée bénéficierait d’une même proportion du financement public attribué au parti.

2) Des étapes régionales étalées sur plusieurs mois
Une fois les candidatures validées, une série d’étapes régionales devraient être organisées sur une période minimale de six mois. Chaque étape devrait consister en un processus territorial autonome. Dans chaque région, au moins un grand débat entre les candidats devrait se tenir devant un minimum de participants (1 000 personnes ?). La répartition du temps de parole et des places réservées aux soutiens des différents candidats devraient être équilibrée. Un scrutin territorial ouvert à tous les adhérents devrait se tenir à l’issue de l’événement. Un minimum de votes devrait être recueillis (au moins 10 000 ?). Quantité de participants et de votants pourraient être relativement élevés dans chaque région afin de limiter l’aide publique aux seuls partis capables de fédérer y compris leurs propres dissidents.

3) Le parti désigne son candidat lors d’un congrès national
L’ensemble des scrutins régionaux devraient être agrégés au fil de l’eau pour former les résultats nationaux qui désigneraient le vainqueur des primaires et donc le candidat du parti. Un congrès final se tiendrait au moins un mois après la dernière primaire régionale afin de permettre au vainqueur de préciser son programme et ses alliances, au premier rang desquelles l’annonce de son premier ministre et de son équipe ministérielle. Ce congrès national devrait se tenir au moins trois mois avant la date de l’élection présidentielle afin de permettre une période de débat clair entre candidats, équipes et programmes de partis concurrents.

Animer la vie démocratique
Le financement public serait limité aux seules organisations qui incluraient ce processus de primaires dans leurs statuts. Le respect de cette condition aurait un triple impact sur la vitalité du débat démocratique.

A) Entre les candidats et entre les partis : le débat entre les candidats et leurs partis aurait lieu sur la base de programmes clairement définis. Les électeurs auraient le temps d’évaluer les alternatives qui leur seraient présentées. Leur décision serait réfléchie. L’élu(e) serait relégitimé(e) à leurs yeux, car issus d’un choix adulte exercé par un corps social plus mûr.

B) A l’intérieur des partis : par ailleurs, le débat aurait lieu à l’intérieur des partis. Les petits candidats pourraient se présenter aux primaires et leurs différentes paroles auraient des chances d’être entendues et prises en compte par les adhérents. Le corpus intellectuel du parti pourrait ainsi évoluer et donc rester en prise avec les enjeux de sociétés. Les appareils partisans perdureraient au- delà de la seule carrière politique de leur créateur.

C) Entre les partis et la société : enfin, dotés d’un poids dans le processus de réflexion des partis, les citoyens seraient attirés par les partis qui verraient alors croître leurs militants, leurs adhésions, leurs moyens financiers et leur rayonnement dans le tissu social.

Si les principes généraux de ce mécanisme de primaires internes doivent être débattus puis imposés, les détails du processus national devront rester au choix du parti, et ceux des processus régionaux au choix des acteurs de terrain. Sans conditionnement de ce type de l’aide publique apportée aux partis politiques, cette aide deviendrait un jour inacceptable pour les citoyens. La démocratie se fermerait encore, jusqu’à s’effacer.

Voir la vidéo 

Chronique du 15/04/2022 La Tribune

Ce site utilise des cookies Réglage Accepter